Le vélo qui fait voyager

jeudi 13 juillet 2017

Mouvement de grève

Lille - Le Havre / 11-12 juillet 2017

Tout le corps est en révolte. Ça grince, ça gronde de partout. C'est les genoux qui ont commencé à protester les premiers. Puis c'est tous les membres qui se sont enflammés. Les jambes, évidemment mais elles râlent depuis le km 15 alors ça ne compte pas. Les épaules, le cou, les bras... Petit à petit, tous suivent le mouvement et menacent de faire grève. C'est vrai quoi! Nous autres, on en a marre, on n'arrête pas. 150 km hier et aujourd'hui on s'est mis en route à 5h. On en est déjà à 70 km alors qu'il n'est même pas encore 10h. On pourrait claquer à tout moment que le patron n'en aurait rien à faire. Trop c'est trop!

Mais le patron n'a pas la tête aux négociations.

"Vous allez arrêter de gémir, bande de feignasses" qu'il nous fait. "Certes, il pleut depuis 5h du matin  et on subit le vent de face depuis hier. Et alors? On a un objectif à atteindre ! Alors vous allez fermer votre gueule et vous allez me doubler la cadence pour la peine!!! Non mais."

Il veut rien lâcher, le patron. Il est en route pour le Royaume-Unis. Il a 2 jours et 300 km à parcourir pour rejoindre Le Havre et prendre un ferry. Et qui c'est qui doit se farcir tout ça. Ben, c'est nous autres. On n'est pas des forçats tout de même !

Le patron essaie de maintenir une bonne vitesse pour pas louper son satané ferry.  Pas question de rechigner à la tâche qu'il nous dit. Alors dès qu'on le peut, on donne tout pour pas descendre en dessous des 15 de moyenne mais dès que ça monte un peu, la fatigue nous scotche au bitume. "Allez, appuyez, tas de tire aux flancs!". On a mal de partout. Et au fur et à mesure que la route plisse devant nos yeux, les kilomètres s'etirent à n'en plus finir. Ils s'égrainent au rythme indolent des éoliennes. C'est pas une vie!

Encore, hier ça allait. Les nuages étaient ténébreux mais n'avaient pas tout à fait sombré dans la dépression. Aujourd'hui, ils ont complètement craqué. Et même le vent était tombé à un moment. Le problème c'est qu'il avait entraîné un peu de pluie dans sa chute. Mais rien de grave, l'hémorragie a été vite stoppée.

Au bout d'un moment, le patron nous accorde une pause syndicale. Un café, un jus d'orange, un pain au chocolat, une banane, une barre de céréales, allez, il n'est pas chien quand même.

Quelques étirements plus tard, même si on est tout fourbu, c'est reparti à un train d'enfer. Faut dire que cette prime nous a radouci aussi. Et quand on apprend qu'on n'est plus qu'à une dizaines de kilomètres d'Etretat, c'est l'euphorie générale. Le patron promet même une moule frite en bonus si on arrive avant 12h30. L'estomac et les papilles nous exhortent à tout donner. Le vent et le soleil se sont ralliés à notre cause aussi.

Et bientôt, Le Havre. Il va l'avoir son ferry finalement, l'patron! Et demain, il l'a promis : pas plus de 95 bornes.

2 commentaires:

  1. Il y a un peu de Steinbeck dans cet article, les muscles de la colère ;-) bon courage!

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  2. Là, c'est comme si on était derrière toi. Alors fonce. Et vive la frite !

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