Le vélo qui fait voyager

vendredi 31 juillet 2015

L'atroce ascension de la Transfagaran

Virág et Palinka avancent dans la plaine quand enfin la muraille crénelée des Alpes de Transylvanie s'élève brutalement devant eux.


Elles sont encore loin et enrobées d'un voile bleu qui les rend irréelles. Mais le plat de résistance sera bel et bien pour le lendemain: la Transfagaran soit 29km d'ascension à 5% de moyenne au départ de Cartisoara à 400m d'altitude pour atteindre le point culminant 2040m plus haut.

Ils campent à une vingtaine de kilomètres de distance histoire de faire préchauffer les jambes. Lorsqu'ils prennent la route, ils s'arrêtent quasiment à chaque village pour faire les courses, boire un café (la bonbonne de gaz a rendu l'âme hier soir), acheter une plaque de chocolat...


Toute raison est bonne pour faire reculer l'échéance. Il est vrai que, vue d'en bas, la montagne est impressionnante. C'est aussi la première véritable ascension pour le tandem. Ils se demandent s'ils seront capable de gérer l'effort à deux et surtout si le tandem tiendra le coup.

Mais quand faut y aller, faut y aller. Ils attaquent la montagne par le Nord. La première partie de l'ascension se passe bien. Ils traversent une forêt. Il fait beau mais grâce à l'ombre des pins ils n'ont pas trop chaud.

Au bout de 16km, il font une première halte à Balea Cascada pour pique-niquer. Les cuisses ont chauffé mais ils savent maintenant que c'est possible.

Quoique... Au moment de repartir, les jambes sont bien raides et ils se disent qu'ils n'arriveront jamais jusqu'en haut. Le doute ne dure pas longtemps, quelques tours de roue et ils ont retrouvé leur rythme.

Ils quittent peu à peu la forêt mais ils ne peuvent toujours pas apprécier pleinement le paysage car un nuage vient maintenant caresser le flanc de la montagne. Quelques kilomètres plus loin, c'est la purée de pois! Ils se retrouvent brutalement en hiver. La température chute, il pleut et il y a tellement de brouillard qu'on dirait que la nuit est tombée. Pourtant, ils ne sont pas si lents que ça, il n'est que 16h.
En tout cas, ils n'auront pas emporté leur équipement de pluie pour rien puisqu'il leur reste encore 7km à parcourir dans ces conditions.


Le paysage de la Transfagarasan n'a donc rien de transcendant aujourd'hui. Mais ça vaut peut-être mieux ainsi. Ne pouvant voir la multitude de lacets qui leur reste à gravir, ils avancent tout doucement sans se décourager.

Il faudra attendre les 500 tous derniers mètres pour que la Transfagarasan dédaigne enfin dévoiler quelque peu ses rondeurs. Et c'est vrai qu'elle est belle. Virág et Palinka ont du mal à croire qu'ils viennent de grimper tout ça!

Mais ils contempleront le paysage plus tard. Pour le moment, ils ont froid et il faut trouver un hébergement.

Évidemment, le premier chalet est complet. Ils tentent quand même leur chance auprès du deuxième de l'autre côté du lac.

Que font Viràg et Palinka pour se reposer après une rude ascension? Ils gravissent le col à pied...

En chemin ils passent devant un camping où deux tentes battues par les vents et la pluie se blottissent pour résister tant bien que mal aux éléments. Virág et Palinka grelottent de plus bel en pensant que ce sera leur solution de repli s'ils ne trouvent pas de chambre.


Malheureusement, il n'y a plus de place dans ce chalet non plus à cause d'un mariage. À moins que... Si, il reste un ultime lit double en dortoir ! Ouf!

Ils remplissent le formulaire puis s'en vont rejoindre leur chambre où les attendent un lit douillet et une bonne douche chaude au moment où un jeune couple de randonneurs fourbus arrive.

Le garçon s'adresse à la réception pour demander s'il reste de la place tandis que la fille adresse un sourire amical à Virág et Palinka. Ils le lui rendent un peu gênés car ils connaissent déjà la réponse.

Décidément, ils ont eu beaucoup de chance !


mercredi 29 juillet 2015

Ulysse Transylvain

Non, Virág et Palinka ne se sont pas perdus au fin fond d'une galaxie. Mais en Roumanie, ils voyagent un peu à travers l'espace et le temps!


Ils passent tantôt en Auvergne, sur les routes de l'Aisne, dans les Vosges, à travers les houblonnières des Flandres.

Champs de Houblon près de Sighisoara
 
Parfois ils vont même jusqu'en Irlande


ou aux portes de Samarkand.
 
 
Palais tzigane à Huedin
Mais certains signes leur prouvent qu'ils sont bien en Roumanie comme les maisons bigarrées aux toits de tuiles plates et aux portails richement ciselés.


Dans la campagne, le temps semble s'être figé: les gens roulent en charette à cheval, on va chercher l'eau au puits, les mémés en fichu font paître leurs vaches dans les talus du village, on roule sur des pistes de caillou, des hommes boivent des bières au bistrot coiffés d'un chapeau de paille, les meules de foin sèchent dans les pâtures.



Mais ce n'est pas tout à fait vrai. Parfois un 4x4 rutilant, une parabole ou un portable dernière génération rappellent à Virág et Palinka qu'ils sont bien au XXIe siècle.


La campagne est riante, les gens sont toujours affairés.



Rizières d'Asie???

Par contre, les villes qu'ils croisent sont plutôt glauques. Le passé industriel y a laissé de sinistres cicatrices et les gens semblent désœuvrés.


La Roumanie est un pays à multiple facettes, assez déroutant. C'est un peu comme un rêve où chaque bout semble clair mais dès qu'on y réfléchit un peu tout s'embrouille.

D'ailleurs, Virág et Palinka sont sur leur petit nuage. Tout se passe à merveille. Les gens qu'ils croisent sont souriants, amicaux, encourageants. Ils cachent rarement leur curiosité et leur étonnement devant leur équipage. Étonnement généralement réciproque d'ailleurs!

Camping pour la nuit
Aucun ennui mécanique n'est encore à déplorer. L'itinéraire est parfait, les paysages sont sublimes. Le bivouac sauvage se fait toujours dans des endroits incroyables, les nuits en "pensiune" sont plus que confortables. Quand il pleut, il fait nuit ou alors ils se sont arrêtés dans un magasin où on leur offre une tuiça en attendant que l'orage passe. Et ils avancent bien puisque les voilà déjà à Sighisoara, lieu de naissance du célèbre Vlad Tépès!


Pourvu que le rêve encore un bon bout de temps!


vendredi 24 juillet 2015

Hongrois être en Roumanie...

C'est bizarre les frontières... Le paysage est le même, rien ne change ou presque, et pourtant Virág et Palinka sont passés en Roumanie. Sans le poste frontière, ils ne s'en seraient même pas aperçus.

Allez, si! La route se fait un peu plus tortueuse et prend même quelques rides qui s'accentuent au fur et à mesure qu'ils s'approchent des Carpates.

Le pays semble plus pauvre et ils croisent de plus en plus de charette à cheval. Fini les fontaines aussi. Ils sont obligés de faire appel à la gentillesse des gens.

Marghita
Ceux-ci parlent magyar la plupart du temps. C'est déconcertant, Virág et Palinka ne savent plus dans quelle langue ils doivent essayer de baraguiner!

Il fait toujours aussi chaud, mais ils ont compris leur leçon. Désormais, ils roulent jusque midi grand max puis farnientent dans un parc ou au pied d'un clocher...


Quand ils ne se font pas jeter par un gars du coin qui pensait qu'ils voulaient y camper.

Pas grave à l'église suivante, on leur offre de la palinka. Elle ne vaut pas celle du père de Sará (qui décidément valait bien celle du pear Heyse!) mais ça se laisse boire et ça redonne un bon coup de fouet au moment de reprendre la route.


Sinon, ils se posent aussi parfois à la terrasse d'un café. 0,50€ la pinte, il va falloir faire attention pour ne pas finir alcoolique par ces chaleurs!

Ils en sont les premiers surpris mais malgré toutes ces pauses, ils avancent bien (et à peu près droit).


La route monte et descend de plus en plus mais elle se fait également beaucoup moins monotone qu'en Hongrie.

Et puis lorsqu'ils cherchent un endroit où dormir et qu'on leur dit qu'il y'a une pension avec eaux thermales 7 km plus loin, ça motive aussi !




Red hot chili paprika

Mais quelle idée de faire du vélo par une chaleur pareille!

C'est pourquoi Virág et Palinka passent la journée à la piscine en plein air de Debrecen. 4 bassins aux températures différentes, des stands pour se désaltérer ou se restaurer, il n'y a pas à dire, les hongrois savent vivre!


Ce repos est d'autant plus mérité que la journée d'hier fût particulièrement rude.

Pour arriver dan la 2e ville du pays, ils ont rattrapé la route 33 qui traverse un parc national sur une cinquantaine de kilomètres.

C'est une route importante au bitume soyeux bien appréciable après le patchwork des jours précédents. De plus, la circulation n'y était pas très dense et les automobilistes hongrois dépassaient le tandem avec une marge confortable.

Nos deux cyclistes avançaient donc à bon rythme.

Cependant le parc naturel, bien que magnifique et plat, est quasi désertique. Les longues lignes droites étaient donc encore plus longues et plus droites, le plat paysage encore plus plat, la chaleur encore plus intense et le soleil plus implacable.


Pas de fontaine, pas l'ombre d'une ombre en vue. L'eau de la gourde restait donc chaude et ne rafraîchissait plus tellement. L'estomac en avait ras le bol de tout ce liquide tiédasse mais ne savait rien ingurgiter de solide.

Seul Hotobágye, au centre du parc, faisait figure d'oasis. Mais ce n'était en fait qu'un îlot à touristes. Des marchands d'artisanat faisaient claquer leurs fouets pour attirer le chaland ou tromper l'ennui. Pas idéal pour deux cyclistes qui veulent juste faire la sieste mais ça a quand même fait l'affaire.

Ils s'y arrêtèrent vers 13h30 et ne repartirent que vers 16h après s'être forcés à manger quelques pâtes.

Ils leur restaient encore 35km jusqu'à Debrecen qu'ils atteignirent aux environs de 18h30. Le thermomètre de la place principale indiquait 30°C.

Pourtant, s'ils croyaient avoir eu chaud, c'est qu'ils n'avaient pas encore gouté au lecsó (une sorte de ratatouille au paprika assez relevée qui se prononce "laitte-chaud") de leur hôte Sará ni à la palinka (eau de vie généralement à la prune mais qui là était à la poire) de son père. Et elle n'était pas sans rappeler celle du pear Heyse!



D'après elle, quand on a trop chaud dedans, on ressent moins les températures extrêmes du dehors.

Son accueil fut donc bien... chaleureux !


mardi 21 juillet 2015

Au pays des cigognes !


Bon, ben ils sont pas frais les gaillards. La fête a duré jusque 3h du mat'

Du coup, ils n'avancent pas beaucoup (65km quand même) et multiplient les pauses.

En chemin, ils aperçoivent des dizaines de cigognes qui viennent de Turquie chercher un peu de frais.



Vu qu'il fait toujours une chaleur caniculaire, ça promet la Turquie!

D'ailleurs, les enfants hongrois chantent une comptine sur ces cigognes: Golya, Golya, gilice



Elle peut se traduire ainsi:

- Cigogne, cigogne, dis moi,
Pourquoi as-tu la patte en sang?
- un enfant turc m'a blessé
Mais un enfant hongrois me soigne
En jouant du flûtiau, du tambour et du violon de fortune (fait de roseau à massette)

Pourtant l'occupation turque à pris fin il y a 300 ans!

Mais elle a laissé des traces bien vivaces dans l'imaginaire collectif, dans l'architecture, dans la langue ou même dans la culture hongroise comme la délicieuse tradition des bains turcs.

Rudás, la partie moderne

D'ailleurs Virág et Palinka arrivent à un bac. Ils mettent le vélo sur le bateau et plongent dans la rivière en attendant d'effectuer la traversée. Ils se sentent si bien que le vélo fera 2-3 allers-retours avant qu'ils ne daignent sortir de l'eau.


Il faut dire qu'il fait encore plus chaud qu'hier. Le corps monte très rapidement en température et la moindre occasion de se rafraîchir est bonne à prendre!

Ils roulent encore un peu mais face aux assauts du soleil et de la fatigue ils cèdent aux charmes d'un petit camping familial près de Abádzálok: Abadi Major.


Ils sont tous seuls sur le terrain et les propriétaires leur permettent même de récolter dans leur jardin quelques tomates gorgées de soleil. Les meilleures qu'ils n'aient jamais mangé!


Tomate se dit "paradicsom" en hongrois. Et après une telle journée, ces fruits semblent en effet tout droit descendus du paradis !

lundi 20 juillet 2015

Jászboldoghasa

À vos souhaits !

Où deux profs en vacance plantent-ils leur tente après une bonne journée de vélo? Dans une cour d'école, évidemment!

Que c'est bien une école sans élève :-)

Il est 18h et ils sont déjà à 80-90km de Budapest dans un petit village paisible.
Pourtant Virág et Palinka ont eu beaucoup de mal à quitter Budapest.
 
Il faut dire qu'ils ont été chouchoutés par leurs amis hongrois: thermes, marché, bars en ruine, concert, barbecue, randonnée le long du Danube, balade en bateau ou en bubi. Ils ne se sont pas ennuyés.






Les bubis sont les vélos libre-service de Budapest (BUdapest BIkes). Seulement, ça se prononce comme le mot "booby" en anglais. Ce qui peut porter à confusion lorsqu'on cherche une station de vélo et qu'on s'adresse aux gens en disant: "I'm looking for bubis" ou lorsqu'on déclare son admiration pour ce système : "I love bubis!"

Mmmh, bubis !

Virág et Palinka se sont donc élancés en direction de Debrecen après un petit déjeuner bien costaud vers 11h00. En plein cagnard...

Heureusement, il y a des fontaines partout !

Wanted! 
La route n'est pas aussi plate qu'en Hollande mais nos deux cyclistes ont avancé à bon rythme sur des routes interminables, filant droit à travers des champs à perte de vue.

Pause bière pour les locaux... Il est 10h00
L'ombre est rare. Parfois, ils traversent un village, ce qui leur permet de troquer l'eau chaude de leur gourde pour de l'eau fraîche. À chaque fois c'est l'eau-rgie!

Virág et Palinka sont donc bien fatigués et s'apprêtent à profiter du calme ambiant pour passer une bonne nuit.

Mais dès qu'ils ferment les yeux, le village se transforme en boite de nuit endiablée. Pas un mais deux DJs se font concurrence depuis chaque bout du village pour emplir l'air de boucan dansant...

La nuit va être longue!

jeudi 16 juillet 2015

L'affaire est dans le sac!

Ça y est, le plus dur de tout le voyage est fait: Virág et Palinka sont dans l'avion pour Budapest avec leur tandem.

Après cette épreuve, la Transfagarasan, route mythique qui serpente jusqu'au sommet des Carpates, semble n'être qu'une simple formalité (enfin ça, ça reste à voir).
  
Pour pouvoir prendre l'avion, il fallait emballer le vélo. Mais comme  c'est un aller simple, impossible d'utiliser de coûteuses et encombrantes valises.


Sans savoir si ce serait suffisant face aux turpitudes qui l'attendent à l'aéroport, Virág a donc passé 2 jours à démembrer le tandem et le ficeler comme un rôti en papillote de papier-bulle pour le fourrer dans deux gros sacs en bâche avec toutes leurs affaires.


Leur bilan carbone n'est pas bien brillant sur ce voyage. Alors pour éviter de l'alourdir un peu plus, ils font appel à leur voisin conducteur de Vélotaxi pour amener leurs bagages au point de départ de la navette pour l'aéroport.


Celle-ci fait quelques caprices mais après un faux départ et des détours, Virág et Palinka arrivent sans trop de problème à destination.

Ça semble presque trop facile.

Heureusement, la balance de l'enregistrement est là pour corser l'affaire! Le premier sac passe de  justesse et reçoit son sésame. Le deuxième a trop d'embonpoint. Il dépasse la limite autorisée.
Il est même impossible d'acheter des kilos supplémentaires.

 L'hôtesse leur rend les deux bagages. Il faut absolument trouver 4kg à transférer dans leur sac de cabine. 

Mais c'est tout bonnement impossible!

C'est alors que Palinka a une idée de génie: comme leurs deux sacs sont identiques, il suffit de faire passer l'un pour l'autre et de peser le même bagage deux fois.

Pendant que l'hôtesse est occupée avec d'autres voyageurs, Palinka décolle l'étiquette du premier pour l'apposer sur celui en surpoids.

Il ne reste plus qu'à faire repasser le même sac. Mais avant, Virág  enlève quand même quelques affaires pour que le poids soit un peu différent afin de ne pas éveiller de soupçons.

Et ça passe, l'hôtesse n'y voit que du feu! Les deux sacs sont enregistrés. Ils sont maintenant bien au chaud dans la soute.

Il ne restera plus qu'à voir à Budapest si le tandem à bien encaissé le voyage. Mais l'aventure peut commencer !